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DES ALENTOURS AU CENTRE, DU CENTRE AUX ALENTOURS
Magdala Perpinyà Gombau
(Résumée)

Peut-on considérer une posture subversive celle d'un groupe de voisins de Sant Feliu de Guíxols réalisant un tapis de fleurs? Est-ce que cela aurait un rapport avec le sentiment de déracinement et la sensation de perte de l'espace public comme agora de rencontre et de dialogue que, jour après jour, dénoncent les habitants de la ville contemporaine ? Existerait-il des éléments de réflexion sur les processus de la désintégration et de la ségrégation urbaines, si souvent présents entre des immigrants et des communautés minoritaires ? Est-ce que, le tapis, serait un instrument d'approche à la mémoire individuelle et collective d'un secteur de la population ? Pourrait-on y trouver quelque lien avec les mouvements émergents de participation citoyenne? Est-ce que nous pourrions y détecter une attitude d'éloignement quand aux nominalismes artistiques et à l'intronisation de l'artiste comme "grand maître de cérémonies" de quelques-unes des créations contemporaines ? Quelle serait l'effectivité des interventions artistiques dans la orbite publique ? Sans prétendre dévoiler de suite les règles du jeu, ni risquer, à la fois, au risque d'une vision restreinte des choses, nous pourrions affirmer que celles-ci sont quelques unes questions qui, malgré leur disparité apparente, émergent de l'oeuvre Tu m'aimes, tu ne m'aimes pas, qui fait partie d'un projet avec lequel Adela Picón a transgressé les conventionnalismes esthétiques, et finir par interagir non seulement avec la réalité, mais à travers elle et en elle, à fin de générer nouvelles dynamismes de relation avec l'entourage.

Sans doute, les récits globaux ou collectifs nous font souvent remettre en question notre entourage le plus proche. Ces narrations, prochaines et familières, sont celles qui peuvent activer les souvenirs personnels et aider à dessiner une autre chronique différente de celle qui diffuse le pouvoir hégémonique. Sur cette orbite nous pourrions situer les entretiens réalisés par Adela Picón et Rosa Rourich à un groupe de citoyens de la ville. La succession de voix anonymes qui donnent témoignage d'un univers propre, marqué par l'expérience individuelle, dénotent en même temps comme dans une même communauté sont configurés des mondes divers.

Nous ne pouvons jamais commencer une conversation si au préalable nous n'avons pas articulé un mot de cordialité ou un geste de salut. C’est probablement pour cette raison Adela Picón a incorporé dans l'exposition le film vidéo intitulé Salut. À partir de filmages réels ou d’un montage dans lequel le salut est simulé, il y a dans le vidéo un passage où, inévitablement, la rencontre a lieu, quelquefois cérémonieuse, euphorique pour d’autres, mais dans tous les cas, la rencontre se termine de la même façon: en un point intermédiaire les personnages se fusionnent l’un avec l'autre, jusqu'à ce n’émerge plus rien de l'écran, seulement un fond inerte. La premier question que nous nous aventurons à nous poser est pourquoi est-ce que les saluts finissent toujours avec cette image homogénéisatrice ? Peut-être n’y-a-t-il rien de plus derrière le geste du salut? Ou bien, est-ce une métaphore de la volonté et nécessité de communion avec l'autre ? Évidemment, si quelque chose a laissé entrevoir le projet d'Adela Picón est qu'après le salut il y a un deuxième pas, lequel suppose un effort de compréhension, de dialogue et de négociation constante, qui passe inaperçu au spectateur. Est-ce qu'on cacherait, peut-être, derrière ce fond inoffensif, ce deuxième pas?

Cornelius Castoriadis a dénoncé la manière comme l'augmentation de l' "insignifiance" à laquelle la société contemporaine se voit soumise, s'est traduite par "l'effondrement de l'autoreprésentation" de la société. Une des stratégies possibles pour enrayer ce problème serait de chercher des mécanismes de reconfiguration de la sphère publique. Le défi des citoyens consiste à présent, à veiller à ce que l’élan initial ne faiblisse pas, et que l'intervention populaire et l'imaginaire commun crées grâce au projet ne deviennent pas une simple anecdote ou un simple rituel cérémonieux sans portée majeure. Peut-être faudrait-il rappeller que bien que les fleurs se fânent, il en naît toujours de nouvelles; il s’agit seulement de savoir les trouver.